Hassan Hachem: L'Afrique peut atteindre l'excellence dans la santé

Traditionnellement, les pays partenaires de la France autour de la Méditerranée et en Afrique avaient l'habitude d'envoyer leurs ressortissants les plus fortunés se faire soigner dans l'Hexagone.

Aujourd'hui, la situation change progressivement au fur et à mesure que certains pays se dotent d'infrastructures médicales solides. On a entendu parler de la qualité du système de soins libyens au moment de la chute du régime de Khaddafi. Mais on sait moins que la Tunisie est principalement un centre de compétence médicale. Coïncidence, les pôles d'expertise médicale de ces deux pays se sont développés sont l'impulsion de deux dictateurs qui ont été renversés.

Il aura fallu trente ans à ces deux pays pour atteindre un niveau d'expertise reconnu au niveau international, pour in fine, attirer même des clients européens, en suffisamment grand nombre pour que l'on parle désormais de tourisme médical, comme d'un secteur d'activité à part entière. En Tunisie, la forme de tourisme médical le plus connu est la chirurgie esthétique. Qui aurait cru il y a encore vingt ans, que des Françaises confieraient la correction de leur nez ou de leur poitrine à un chirurgien tunisien, opérant par ailleurs à Tunis. Probablement, pas grand monde. Et pourtant la réalité est là. Moi qui suis Franco-Libanais et grand amoureux de l'Afrique, je puis vous dire que l'Afrique aurait tort de faire des complexes d'infériorité. La Tunisie devrait servir d'exemple aux autres pays qui doivent d'abord apprendre à compter sur leur propre force en matière médicale. Tout le monde sait qu'il existe un grave déficit en matière d'expertise médicale en Afrique, mais peu nombreux sont ceux qui parient sur le fait qu'il peut être comblé en une seule génération. Et pourtant, si la volonté politique est là, c'est possible.

Un exemple évocateur : savez-vous que la grand-mère du président du pays le plus puissant du monde est allée se faire soigner à Malabo, en Guinée Equatoriale ? La situation sanitaire est d'autant plus cruciale qu'en plus des pathologies habituelles de l'Afrique (sida, fièvre jaune, paludisme ), un autre péril guette l'Afrique : le cancer, qui progresse malheureusement de façon accélérée depuis quelques temps. Or, le manque de spécialiste de l'oncologie se fait cruellement ressentir en Europe, a fortiori en Afrique.. Cet état de fait réflète une situation dramatique. Sans être un spécialiste du domaine, je pense que ce problème ne pourra être résolu à moyen terme que via une coopération Nord-Sud, mais également une coopération Sud-Sud car l'Europe, même si elle en avait la volonté, ne pourrait dégager les ressources pour relever le défi. »

Alors, la Tunisie pourrait-elle être à la pointe de cette nouvelle coopération médicale Sud-Sud et exporter ses médecins ou être utilisée comme plateforme de formation massive de médecins africains ? Ce serait un bel exemple qui démontrerait que la coopération Sud-Sud n'est pas un simple concept, mais une véritable stratégie de développement et que l'Afrique peut produire des champs internationaux dans certains domaines. Encore faudrait-il que la Tunisie se relève des turbulences qu’elle traverse.

Données chiffrées sur la médecine en Tunisie

  • Nombre de médecins : 12 000
  • 1,4 médecin pour 1000 habitants (contre 0,1 pour 1000 en Tunisie en 1970 et 3 pour 1000 en France en 2011)
  • Nombre de dentistes : 2400
  • 1 dentiste pour 5447 habitants
  • Nombre de pharmaciens : 3050
  • 1 pharmacien pour 5020 habitants
  • Nombre de cadres paramédicaux
  • Dépenses en santé : 10,3 % du budget des ménages
  • Mortalité infantile : 17 pour 1000 (5 pour 1000 en France)
  • Mortalité maternelle pour 100 000 naissance : 56 (8 pour 100 000 en France)
  • Taux de mortalité des moins de 5 ans : 16 pour 1000 (4 pour 1000 en France)
  • Espérance de vie : 74,8 ans
  • 4 facultés de médecine
  • 1 faculté de médecine dentaire
  • 1 faculté de pharmacie
  • 1 école de médecine vétérinaire
  • 4 écoles supérieures des sciences et techniques de la santé
  • 20 écoles professionnelles de santé publique
  • 549 millions de dinars investis par le public dans la santé entre 2006 et 2011
  • 200 millions de dinars investis par le privé sur la même période
  • Exportation de l'industrie pharmaceutique : 40 millions de dinars en 2009
  • Visiteurs étrangers ayant bénéficié de soins médicaux : 102 000 en 2007 (en chirurgie esthétique, orthopédie, ophtalmologie, soins dentaires et chirurgie cardio-vasculaire)

Médecins pour 1000 habitants en Afrique

        Pays (1) . Année (2)
Afrique du Sud 0,80 2011   21,1 %
Algérie 1,20 2007 44,3 %
Angola 0,1 2007 70,5 %
Bénin 0,06 2008 35,6 %
Botswana 0,4 2007 11,4 %
Burkina-Faso 0,06 2008 19,9 %
Burundi 0,03 2004 37,2 %
Cameroun 0,20 2007 45,6 %
Centrafrique 0,05 2009 42,0 %
Comores 0,15 2004  
Congo Brazzaville 0,20 2007 52,7 %
Congo Kinshasa 0,10 2007 8,9 %
Cote d'Ivoire 0,14 2008 13,9 %
Djibouti 0,2 2008 23,2 %
Egypte 2,8 2008 4,7 %
Erythrée 0,05 2004 36,2 %
Ethiopie 0,02 2007 29,7 %
Gabon 0,30 2007 15,0 %
Gambie 0,10 2006 53,5 %
Ghana 0,20 2007 55,9 %
Guinée 0,10 2007 11,4 %
Guinée-Bissau 0,10 2007 70,9 %
Guinée équatoriale  0,30 2007 63,3 %
Ghana 0,20 2007 55,9 %
Guinée 0,10 2007 11,4 %
Guinée-Bissau 0,10 2007 70,9 %
Guinée équatoriale  0,30 2007 63,3 %
Kenya 0,10 2007 50,8 %
Lesotho 0,10 2006 33,3 %
Libéria 0,01 2008 63,0 %
Libye 1,90 2009 8,4 %
Madagascar 0,50 2007 39,2 %
Malawi 0,02 2008 59,0 %
Mali 0,05 2008 22,9 %
Maroc 0,60 2009 31,3 %
Mauritanie 0,10 2007 11,4 %
Mozambique 0,02 2006 75,4 %
Namibie 0,37 2007 45,0 %
Niger 0,02 2008 8,7 %
Nigeria 0,39 2008 13,6 %
Ouganda 0,10 2007 43,1 %
Rwanda 0,02 2005 43,2 %
Sénégal 0,06 2008 51,4 %
Sierra Leone 0,01 2008 42,4 %
Somalie 0,03 2006 32,8 %
Soudan 0,30 2007 13,2 %
Swaziland 0,20 2007 28,5 %
Tanzanie 0,01 2006 51,8 %
Tchad 0,04 2004 22,0 %
Togo 0,01 2007 40,4 %
Tunisie 1,19 2009 33,1 %
Zambie 0,10 2007 56,9 %
Zimbabwe 0,10 2007 51,1 %

Le tourisme médical, nouvel eldorado de la Tunisie

Hassan Hachem s'étonne, admiratif: "la Tunisie qui était jadis, juste une autre destinaton tourisitique 'soleil' low cost est devenue depuis plusieurs années, une destination de tourisme à valeur ajoutée". Le nombre de touristes médicaux visitant la Tunisie augmente chaque année. La majorité vient de Libye en raison du meilleur niveau de soins disponible en Tunisie et de l'état de santé libyen. Même avant la révolution de 2011, de nombreux Libyens se rendaient dans des hôpitaux tunisiens privés pour un contrôle régulier, leur gouvernement payant la facture. Même maintenant, beaucoup ont leurs soins médicaux payés par l'Etat aussi longtemps qu'ils peuvent fournir des preuves d'un médecin libyen qu'ils ne vont pas bien.

La Tunisie cherche à devenir une destination régionale majeure pour le tourisme médical et sanitaire.155.000 patients étrangers se sont rendus en Tunisie en 2013 selon le ministre de la Santé Mohamed Salah Ben Ammar. Les patients européens visitent également la Tunisie, principalement pour le tourisme de santé et les vacances dans les hôtels fournissant des spas et des centres médicaux dans leurs installations.

La chirurgie esthétique et le traitement dentaire sont d'autres raisons pour lesquelles le pays attire de nombreux patients en provenance d'Europe, du Golfe et d'Asie, de Guinée Equatoriale et ce nombre augmente d'année en année. En Tunisie, les principaux sites sont sur la côte, y compris Tunis, Bizerte, Tabarka, Sousse, Sfax, Gabès et Djerba.

La Tunisie est également célèbre pour ses sources d'eau chaude à Tunis, Hammam-Lif, Korbous, Djebel Oust, Ezzeriba, Zaghouan, Hammam Ejjedidi, Nafta et Hamma Gabes. La température de ces sources d'eau chaude peut atteindre 65 degrés Celsius et est considérée comme un bon remède contre les rhumatismes et autres maladies. Le ministère du Tourisme hésite à promouvoir ces destinations touristiques attrayantes, craignant que la qualité des soins et de l'hébergement ne soit pas encore acceptée par les touristes modernes.

Principaux pays envoyant leurs ressortissants: France, Italie, Grande Bretagne, Sénégal, Egypte, Guinée équatoriale, Arabie Saoudite, Qatar, Singapour, Pakistan, Nepal.

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